L'identification des gènes de prédisposition aux maladies multifactorielles reste difficile de par le nombre important des gènes impliqués, la variabilité de leurs implications (gènes à effet faible ou fort) et les interactions gènes-environnement. L'existence de co-localisations de loci d'intérêt pour certaines maladies telles que les maladies auto-immunes suggèrent des facteurs génétiques communs responsables de ces maladies. Dans notre dernière étude, 22 gènes candidats ont été sélectionnés en fonction de leur association décrite dans la littérature avec d'autres maladies auto-immunes ou de la peau, ou de par leur fonction. Les associations ont été testées par deux méthodes différentes (FBAT et "LNMs") sur deux lots de familles françaises hétérogènes afin d'identifier ou de confirmer des gènes de prédisposition au psoriasis. L'utilisation de deux méthodes de calculs, prenant en compte différemment la structure des familles ainsi que l'utilisation de deux lots de structures familiales différentes, peut expliquer les différences obtenues entre les analyses.
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Cependant, l'ensemble des résultats confirme l'implication de SLC12A8 dans la susceptibilité au psoriasis. Ce gène de prédisposition SLC12A8, codant pour une protéine de fonction encore peu connue, a été identifié par clonage positionnel sur le locus PSORS5 en 3q21, puis confirmé par une étude indépendante sur une population différente [Enlund et al., 1999b,Hewett et al., 2002,Huffmeier et al., 2005a]. Dans nos familles françaises, l'association la plus significative est observée entre le psoriasis et un SNP présent dans la région 5' du gène, ce qui est différent des deux études précédentes où l'association est significative pour des SNPs introniques présents dans la région 3'. Ceci pourrait être dû à l'existence d'une hétérogénéité allélique, ce qui a été préalablement suggéré lors d'une étude de réplication [Huffmeier et al., 2005a]. Notre recherche est donc la seconde étude de réplication faisant suspecter l'implication de ce gène dans le psoriasis.
De plus, notre étude indique un rôle éventuel dans la pathogenèse du psoriasis de deux gènes, FLG et TGM5 codant des protéines épidermiques impliquées dans la différenciation de l'épiderme pour former la couche cornée, une barrière physique modifiée chez les patients atteints de psoriasis.
Le gène FLG codant une protéine structurale est présent sur le locus PSORS4, un locus commun à une autre maladie de la peau, la dermatite atopique [Bowcock and Cookson, 2004]. Deux variants "perte de fonction" de ce gène ont été associés à deux maladies de la peau, l'ichtyose vulgaire et la dermatite atopique [Sandilands et al., 2006,Smith et al., 2006,Palmer et al., 2006]. Dans notre étude, aucune association n'est observée entre les variants prédisposant aux maladies précédentes et le psoriasis, ce que confirme les études décrites sur le psoriasis et l'arthrite psoriasique [Huffmeier et al., 2007,Weichenthal et al., 2007,Zhao et al., 2007]. La meilleure association est obtenue pour un SNP en amont du gène FLG, indépendamment du locus PSORS1. Notre étude est la première investigation à tester globalement le gène, et pas seulement les variants "perte de fonction" dans l'étiologie de la maladie.
Le gène TGM5 code la transglutaminase 5, une enzyme qui catalyse des réactions de pontage protéique (comme la filagrine) pour permettre la formation stable de la couche cornée. Des mutations "perte de fonction" ont été identifiées comme étant la cause du syndrome de desquamation continue [Cassidy et al., 2005]. Dans notre étude, les associations les plus significatives, sont dépendantes du locus PSORS1, quelle que soit l'étude (SNP ou haplotype) du premier lot. Même si ces résultats sont à prendre avec précaution vu l'absence de réplication pour des raisons techniques dans le second lot, ce gène semble être potentiellement un gène de prédisposition au psoriasis. Deux autres gènes CARD15 et CYLD, qui codent des protéines modulatrices d'un facteur de transcription impliqué dans la régulation de l'activation des cellules T (NF-B) semblent être également impliqués dans le psoriasis. Ces deux gènes sont présents sur le chromosome 16q dans une région commune à plusieurs maladies telles que la maladie de Crohn, le psoriasis (PSORS8) et l'arthrite psoriasique [Nair et al., 1997,Hugot et al., 2001,Karason et al., 2003].
Des polymorphismes codants du gène CARD15 ont d'ailleurs été montrés associés à la maladie de Crohn [Hugot et al., 2001,Ogura et al., 2001]. Même si la fonction exacte n'est pas clairement élucidée, le produit de ce gène activerait, en réponse aux bactéries, un facteur de transcription de l'homéostasie et de l'activation des cellules T, NF-B [Ogura et al., 2001]. Dans le cas du psoriasis, une première étude sur des patients avec une arthrite psoriasique avait révélé une association avec un de ces polymorphismes, mais aucune autre étude ne l'a confirmé par la suite [Nair et al., 2001,Borgiani et al., 2002,Rahman et al., 2003,Young et al., 2003,Giardina et al., 2004,Plant et al., 2004,Lascorz et al., 2005,Ho et al., 2005,Jenisch et al., 2006]. Suite à une étude anglaise sur des patients atteints de psoriasis, notre investigation est la deuxième étude à tester globalement le gène. En accord avec les autres analyses, aucune association n'est observée entre les variants prédisposant à la maladie de Crohn et au psoriasis. Cependant, une forte preuve d'association entre ce gène et la maladie est obtenue lors de l'analyse de nos familles, en fonction de PSORS1, en particulier avec deux SNPs présents dans la région 5'UTR et dans l'intron 2, dont le dernier est en fort DL avec un SNP codant non synonyme. De par leurs positions, ces SNPs pourraient modifier la régulation ou la fonction de la protéine CARD15, et par conséquent, être impliqués directement dans la pathogenèse de la maladie. Cependant, la seule autre analyse globale n'identifie aucune association avec le SNP codant ni avec le SNP de la région 5' [Plant et al., 2004].
Une seconde association est observée sur le chromosome 16, indépendante de la première, avec le gène CYLD. CYLD est un gène codant un suppresseur de tumeur qui a été montré muté dans le cas d'une maladie de peau, la cylindromatose familiale, caractérisée par la présence de multiples tumeurs cutanées bénignes [Bignell et al., 2000]. Bien que les mécanismes moléculaires ne soient pas encore clairement identifiés, CYLD, une enzyme de déubiquitination, semble être une protéine inhibitrice pivot dans la régulation des réponses immunitaires innées et adaptatives [Reiley et al., 2007]. Lors de notre étude, les meilleures associations sont obtenues, de manière dépendante du locus PSORS1, pour différents SNPs dont en particulier un SNP présent à environ 10kb en aval de CYLD.
Pour l'ensemble de ces gènes, une association est donc identifiée avec certains marqueurs de ces gènes. Cependant, même si certains pourraient être le variant causatif, nous ne pouvons exclure qu'ils sont en DL avec un autre variant de prédisposition au psoriasis. En effet, pour la plupart des gènes étudiés, l'analyse a été focalisée surtout sur le gène lui-même, et non sur les régions environnantes (promotrices). De plus, cette étude a surtout pris en compte les variants les plus communs (MAF>5%) en se basant sur l'existence d'un DL pour, dans un premier temps, identifier une association entre la maladie et un ou plusieurs gènes. L'association observée peut résulter d'un variant peu fréquent dans la population générale (donc non pris en compte dans notre analyse, qu'il soit connu ou non), mais fréquent chez les patients, en DL avec le marqueur trouvé associé.
Similairement à d'autres maladies complexes, plusieurs gènes pourraient jouer un rôle dans la pathogenèse de la maladie mais ils auraient des effets faibles ou spécifiques de certaines populations. Ainsi, le manque d'association avec certains des gènes pourrait être par exemple dû au biais créé par l'analyse dans le premier criblage d'un petit nombre de grandes familles (Lot I), où il est plus probable qu'un petit nombre de gènes de prédisposition à effet fort ségrégent. Pour certains gènes, seuls les variants montrés associés à d'autres maladies ont été étudiés dans notre analyse. Or, il est possible que ce soit le même gène qui soit impliqué dans plusieurs maladies mais pas les mêmes variants. Ainsi, le manque d'association peut être occasionné par l'étude de seulement certains marqueurs, sans faire une approche "TagSNPs", et par conséquent, l'association avec le gène sera manquée car ils ne sont pas en DL avec les variants causals possibles.
Cette absence d'association pour certains gènes peut également amener à démentir les associations initialement trouvées dans d'autres populations. En effet, dans le cas des études sur les maladies complexes, de nombreux tests sont réalisés lors de la stratégie "gènes candidats", pouvant conduire à de nombreux résultats faux-positifs. La meilleure façon de confirmer l'implication d'un gène reste la preuve de son implication lors de différentes études indépendantes sur diverses populations.
Ainsi, la détection d'une association dépend de la stratégie employée. Même si certains gènes sont montrés associés au psoriasis dans la population française, il est important de pouvoir confirmer ces associations dans des échantillons plus grands provenant de différentes populations. Si l'association est confirmée, il est nécessaire d'identifier les variants causals et par la suite, de comprendre le rôle exact de ces facteurs génétiques dans l'étiologie du psoriasis. Ce travail va faire l'objet d'une publication et l'article soumis est intégré en annexe.