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CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES

Depuis quelques années, le développement rapide des outils de la biologie moléculaire suivi de celle de la connaissance sur le vivant a permis d'identifier de nombreux gènes responsables de maladies mendéliennes. Cependant, dans le cas des maladies à hérédité complexe, il s'est avéré que l'identification des facteurs génétiques de risque était un réel challenge. A part l'identification de gènes majeurs (tels les gènes HLA pour de nombreuses maladies auto-immunes), peu de gènes ont pu être révélés par les méthodes utilisées pour l'étude de ces maladies avec des gènes à effet faible. La difficulté de la mise en évidence des gènes de prédisposition est résumée par la non-correspondance entre le génotype pour un gène donné et le phénotype. En effet, ces maladies "complexes" résultent de l'implication de nombreux facteurs génétiques et environnementaux, dont chacun peut contribuer au risque, souvent de manière mineure, sans être ni indispensable ni suffisant pour entraîner la maladie. Cela a donc conduit à adopter des stratégies et des méthodes différentes pour étudier ce type de maladie "complexe".

Mon travail de thèse a consisté à utiliser certaines de ces méthodes afin de rechercher les gènes de prédisposition à une maladie "complexe", le psoriasis. Le psoriasis est une maladie chronique et inflammatoire de la peau, caractérisée par des lésions érythémato-squameuses. La première étape était de caractériser les loci de prédisposition au psoriasis par l'analyse de deux criblages du génome, réalisés sur 45 grandes familles françaises. Cette étude a permis de confirmer les régions précédemment révélées lors d'une étude initiale sur 14 d'entre elles, telles que les régions 6p21, 14q, 16p, 20p, et de révéler une nouvelle région en 12q. La deuxième étape était d'identifier les gènes impliqués dans le psoriasis, présents dans deux des loci de prédisposition au psoriasis trouvés lors du criblage des grandes familles, le chromosome 6p21 et 20p. Des études d'association au sein de ces régions ont permis de confirmer la contribution du gène HLA-C pour le locus majeur PSORS1 et d'identifier un nouveau gène de prédisposition au psoriasis, ADAM33 en 20p. La dernière étape était de confirmer et de découvrir d'autres facteurs génétiques de la maladie, par des études "gènes candidats" en prenant en compte la structure DL locale. Ces études ont aidé à la confirmation du gène SLC12A8 dans l'étiologie du psoriasis ainsi qu'à la suggestion de l'implication de 4 autres gènes, deux codant des protéines épidermiques (FLG et TGM5) et deux codant des protéines modulatrices d'un facteur de transcription impliqué dans l'immunité (CARD15 et CYLD). Ces résultats doivent cependant être confirmés par d'autres études indépendantes, sur d'autres populations et de plus grandes tailles. Si ces associations se confirment, les mutations en cause restent à être identifiées.

La caractérisation finale des gènes de prédisposition peut permettre une meilleu- re compréhension des voies impliquées et donc des mécanismes physiopathologiques à l'origine du psoriasis. Cependant, le psoriasis reste une "maladie complexe" qui, par définition, est la résultante d'interactions de facteurs génétiques et de facteurs environnementaux. Dans notre étude, seuls les facteurs génétiques ont été recherchés. L'effet de certains facteurs environnementaux est cependant limité par l'analyse dans notre étude de grandes familles, ayant la même provenance géographique et historique. Néanmoins, différents facteurs du milieu, concernant l'individu lui-même, ne sont pas pris en compte lors de ces études. De plus, notre étude ne prend pas en compte la complexité de ce type de maladie, en partie due à l'existence d'interaction entre les nombreux facteurs génétiques ou non. Lla considération de ces interactions (gène-gène et gène-environnement) dans les études permettrait de découvrir d'autres facteurs génétiques et, au final, de mieux comprendre la physiopathologie réelle de la maladie.

L'étape finale, et non la moindre, est la confirmation par des études fonctionnelles de l'implication des gènes dans la maladie, et par l'identification des variants causals. La détermination des variants causals reste à l'heure actuelle laborieuse. Dans la plupart des études, une association est obtenue entre la maladie et un ou des variant(s) neutre(s), c'est-à-dire, des variants n'ayant aucune conséquence a priori sur la protéine correspondante. L'existence de "blocs" génomiques en déséquilibre de liaison permet de déduire que ce variant associé est sûrement en DL avec le variant causal, si il y en a qu'un seul. La nature du variant causal reste à être identifiée. Nos études ont identifiées des associations avec certains des gènes testés, mais peu de ces variants correspondants sont susceptibles d'avoir un effet, même faible dans la fonction de la protéine associée. Dans la plupart des cas, les études ont été réalisées sur la partie codante des gènes. Il n'est donc pas improbable que le variant associé soit en DL avec un variant "fonctionnel", dans la partie promotrice du gène par exemple.

Ce raisonnement reste néanmoins traditionnel. Récemment, d'autres types de variants ont été observés à avoir une influence sur la susceptibilité à la maladie. Ce sont par exemple des régions génomiques et non pas seulement des polymorphismes géniques, variables en nombre de copies (nommées "CNV", Copy Number Variants). Les CNV sont des segments génomiques (100kb et plus) présents sous forme de multiples copies, dont le nombre varie selon les individus. Une étude récente a d'ailleurs montrée une forte association entre un CNV élevé pour les gènes des béta-défensines et le psoriasis [Hollox et al., 2008]. L'ensemble de ces variants sont cependant des changements au niveau des séquences nucléotides. Il existe aussi des modifications épigénétiques qui pourraient intervenir dans la maladie, en modifiant l'expression des gènes. De tels changements sont d'ailleurs associés à la cancérogenèse, notamment des méthylations supplémentaires de l'ADN au niveau de dinucléotides CpG et des modifications post-traductionnelles des histones [Feinberg and Tycko, 2004].

Dans tous ces cas, les études fonctionnelles sont nécessaire pour confirmer l'impact du variant en question sur la fonction de la protéine correspondante, en étudiant par exemple la différence du niveau d'expression génique en présence ou non du variant. Ces études peuvent permettre également de comprendre le rôle de manière plus globale de la protéine correspondante, surtout si sa fonction est peu connue, et d'identifier les partenaires protéiques, pouvant aussi avoir un rôle dans le processus pathogénique. Il ne faut pas en effet omettre que ce type de maladie fait intervenir de nombreux facteurs et que la régulation de ces facteurs peut se faire à tout niveau: niveau transcriptionnel, traductionnel ou post-traductionnel.

La connaissance des mécanismes moléculaires impliqués dans le psoriasis permettrait d'améliorer le diagnostic, de définir plus facilement un pronostic et de développer des traitements plus appropriés (adaptés en fonction du patient) et plus efficaces, limitant également les effets secondaires souvent observés. En raison de la fréquence élevée du psoriasis dans la population générale, des retombées importantes sur le plan de la santé publique en découleront.


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anouar 2009-08-22