Le gène FLG
La filagrine, codée par le gène FLG, est une protéine essentielle de la barrière épidermique au niveau de la couche terminale de la peau, la couche cornée. Elle provient du clivage en 10-12 protéines d'une grande protéine (>400kDa), la profilagrine, constituant important des granules de kératohyaline présents dans la couche granuleuse de l'épiderme [Candi et al., 2005]. Lors du stade terminal de la différenciation des kératinocytes, la profilagrine est transformée en filagrine, au niveau de la couche cornée, formant la matrice cytoplasmique des cornéocytes, qui sont les cellules anucléées propres de cette couche. La filagrine est capable d'agréger les filaments du cytosquelette des kératinocytes pour mettre en place une matrice dense, réticulée par l'action des transglutaminases, et former l'enveloppe cellulaire cornifiée, essentielle dans la protection de la peau.
Des allèles de type de "perte de fonction" de ce gène, R501X et 2282del4, fréquents dans la population européenne ( 4% et 1% respectivement), ont été récemment identifiés comme étant la cause d'une maladie de peau monogénique, l'ichtyose vulgaire [Sandilands et al., 2006,Smith et al., 2006]. Ce gène représente également un facteur de prédisposition à une maladie de peau à hérédité complexe, la dermatite atopique (AD), et plus particulièrement l'AD associé à des problèmes allergiques et à de l'asthme [Palmer et al., 2006,Palmer et al., 2007]. Cette dernière association a été répliquée dans de nombreuses études faites sur des populations européennes et japonaises montrant ainsi la robustesse de cette association [Marenholz et al., 2006,Ruether et al., 2006,Weidinger et al., 2006,Barker et al., 2007,Stemmler et al., 2007,Nomura et al., 2008]. Ces variants provoquent une traduction prématurée de la profilagrine au niveau de la séquence codant pour la première filagrine et entraînent donc une perte de la production de la filagrine et une formation altérée de la barrière épidermique [Smith et al., 2006]. D'autres variants codants semblent intervenir dans la pathogenèse de l'AD tels que le variant rare 3702delG qui provoque la fin de la traduction du profilagrine au niveau du domaine formant la troisième filagrine [Sandilands et al., 2006].
Il existe un chevauchement de plusieurs loci de prédisposition potentiels entre deux maladies complexes de peau, le psoriasis et l'AD, sur les chromosomes 3q21, 17q25, 20p12 et surtout, sur le chromosome 1q21 (PSORS4 pour le psoriasis) au niveau du complexe de différenciation épidermique (EDC) qui regroupe plusieurs gènes codant des protéines de structure trouvées dans la couche externe de l'épiderme différenciée dont la filagrine [Bowcock and Cookson, 2004]. De plus, une des caractéristiques du psoriasis est une altération de la différenciation des kératinocytes et une inflammation cutanée. Histologiquement, il est observé que la couche granuleuse est réduite ou absente, et/ou des changements dans l'expression de plusieurs protéines du complexe EDC dans l'épiderme lésé chez les patients atteints de psoriasis, comparée à l'épiderme non lésé ou à celui d'un individu sain. Plus particulièrement, la filagrine n'est peu ou pas exprimée dans la couche granuleuse dans l'épiderme lésé, contrairement à celle de l'épiderme non lésé [Huffmeier et al., 2007]. Il est donc intéressant de voir si des altérations dans ce gène, pouvant jouer sur l'expression de celui-ci, pourraient contribuer à la pathogenèse du psoriasis. Trois études ont d'ailleurs été réalisées afin de tester la contribution de deux variants avec perte de fonction ("variants nuls") du gène FLG, R501X et 2282del4, à la prédisposition au psoriasis. Hüffmeier et ses collaborateurs (2007) ont rapporté un manque d'association de ces variants avec la maladie lors de l'étude cas-témoins de 375 sujets allemands atteints de psoriasis vulgaris et aussi de 375 sujets allemands atteints de psoriasis arthritique. Ces résultats ont été confirmés lors de l'analyse de 271 patients irlandais et de 420 patients anglais atteints de psoriasis (analysés séparément ou de façon combinée) ainsi que lors de l'analyse de 360 patients allemands (versus 2117 et 276 témoins) [Zhao et al., 2007,Weichenthal et al., 2007].
Cependant, ces études ne prennent en compte que les deux variants nuls du gène associé à l'AD et à l'ichtyose vulgaire. Nous avons donc entrepris une approche systématique 'Tagging SNP' pour tester ce gène. Nous avons voulu tester si un autre variant, présent dans la partie codante, non codante ou dans la partie régulatrice (+20kb), pouvait être responsable dans la pathogenèse du psoriasis. En plus des trois variants prédisposant aux maladies citées plus haut (3720delG, 2282del4 et R501X), nous avons sélectionné 7 SNPs supplémentaires, d'après la structure DL du gène FLG (Figure 3.14Structure DL du gène FLG, Table 3.42Identification et analyse d'association des TagSNPs de FLG sur le Lot I par FBAT). Pour des raisons techniques, deux variants 2282del4 et 3720delG n'ont pas pu être génotypés. L'analyse par FBAT du lot I suggère une association, bien que non significative, entre le variant R501X (exon 3, P=0.07) pour lequel des associations ont déjà été rapportées dans la littérature et le psoriasis. Notre étude révèle une association statistiquement significative entre la maladie et rs1858483, un variant présent en amont du gèneFLG (P=0.001). Ce résultat n'est pas confirmé avec la méthode "LNMs" (Table 3.43Analyse d'association des TagSNPs de FLG dans le Lot I avec la méthode "LNMs" ). L'analyse haplotypique du gène FLG, dans le lot I, a été réalisée par l'étude des combinaisons de paires de SNPs et indique une association avec la maladie d'une majorité d'haplotype à effet protecteur (Z<0) avec un P, après 1 000 000 permutations, variant de 0.0009 et 0.04 (Table 3.44Analyse d'association des haplotypes de FLG sur le Lot I par FBAT). De plus, les haplotypes
Lot I | ||||||
MAF | P | Z | ||||
1/11 | GT | 10.4 | -3.068 | 0.0022 | 0.0023 | (0.019) |
1/12 | GG | 10.5 | -2.092 | 0.036 | 0.037 | (0.11) |
2/11 | CT | 10.2 | -2.614 | 0.0090 | 0.011 | (0.022) |
GC | 75.1 | 2.033 | 0.042 | 0.039 | 2(0.0042) | |
GT | 10.1 | -3.120 | 0.0018 | 0.0016 | ||
4/12 | GG | 11.3 | -2.017 | 0.044 | 0.052 | (0.14) |
CC | 87.8 | 3.978 | 0.000069 | 0.000066 | 2(0.000063) | |
CT | 10.8 | -3.355 | 0.00079 | 0.00086 | ||
AC | 79.7 | 2.467 | 0.014 | 0.013 | 2(0.013) | |
AT | 10.4 | -2.721 | 0.0065 | 0.0041 | ||
10/11 | GT | 10.1 | -2.806 | 0.0050 | 0.0055 | (0.053) |
10/12 | GG | 10.0 | -2.089 | 0.037 | 0.039 | (0.25) |
CT | 71.4 | 2.277 | 0.023 | 0.024 | 2(0.0098) | |
TT | 10.2 | -3.018 | 0.0025 | 0.0026 | ||
CA | 73.7 | 2.276 | 0.023 | 0.027 | 2(0.019) | |
TA | 10.5 | -2.689 | 0.0072 | 0.0095 |
|
Lot I | |||||||||
Stratifié selon: | |||||||||
présence HLA-Cw6 | absence HLA-Cw6 | ||||||||
MAF | P | N | Z | P | N | ||||
rs12730241 | G>A | 14.2 | 0.31 | 45 | 0.895 | 0.37 | 32 | 0.429 | 0.67 |
rs2065955 | C>G | 12.8 | 0.68 | 43 | 0.319 | 0.75 | 28 | 0.236 | 0.81 |
rs7522925 | G>A | 11.5 | 0.53 | 42 | 0.739 | 0.46 | 25 | 0.031 | 0.98 |
FLG_R501X | C>T | 1.7 | 0.07 | 9 | *** | *** | 5 | *** | *** |
rs11582620 | A>G | 9.7 | 0.62 | 29 | 0.000 | 1.0 | 25 | -0.703 | 0.48 |
rs1933064 | G>A | 42.9 | 0.17 | 58 | -0.792 | 0.43 | 52 | 2.793 | 0.005 |
rs1858483 | C>T | 13.1 | 0.001 | 26 | -2.300 | 0.02 | 35 | -2.226 | 0.02 |
rs2050631 | A>G | 25.6 | 0.22 | 52 | -0.739 | 0.46 | 45 | -0.910 | 0.36 |
rs3120664 | T>G | 15.6 | 0.93 | 42 | 0.269 | 0.79 | 28 | -0.196 | 0.84 |
rs3120665 | A>G | 13.2 | 0.93 | 39 | -0.030 | 0.98 | 27 | -0.092 | 0.93 |
associés sont une combinaison avec au moins un de ces SNPs R501X, rs1858483 et rs2050631, pour lesquels une association est suggérée (sauf pour rs2050631) avec la maladie dans l'étude individuelle des SNPs. Le meilleur résultat est obtenu par la combinaison des deux SNPs associés individuellement, R501X et rs1858483 : l'haplotype à risque, CC (88%, Z=3.98, P=0.00007) et inversement, l'haplotype protecteur, CT (11%, Z=-3.36, P=0.0009). Ce dernier semble refléter le résultat obtenu lors du test du SNP rs1858483 dans le lot I. De plus, l'étude du lot II seul n'est certes pas significative mais l'analyse des deux lots montre encore une association du marqueur rs18585483 avec le psoriasis (P=0.009) (Table 3.45Analyse d'association des TagSNPs de FLG, suggestifs dans le Lot I, faite sur le Lot II et ainsi que sur l'ensemble des lots (Lot I et Lot II)). Pour le marqueur rare R501X, le lot II s'avère peu informatif pour permettre une confirmation. Lors de la dernière étude, l'association de rs1858483 dans le lot I semble être indépendante du paramètre "porteur" ou "non porteur" de l'allèle HLA-Cw6 avec un P=0.02 pour les deux sous-groupes (Table 3.46Analyse d'association des TagSNPs deFLG dans les sous groupes porteurs ou non de l'allèle à risque HLA-Cw6 dans le Lot I). Un autre marqueur, rs1933064, paraît être associé au psoriasis lorsque l'on ne considère que les individus ne portant pas l'allèle à risque.
Ces résultats semblent indiquer un rôle dans la maladie d'un SNP, localisé en amont du gène filagrine dans le psoriasis, agissant indépendamment du locus PSORS1, mais ne confirme pas celui de R501X. Dans notre population française, la non-contribution de ce variant nul dans la prédisposition au psoriasis s'avère être en accord avec les études indépendantes faites par quatre équipes européennes et chinoises [Huffmeier et al., 2007,Zhao et al., 2007,Chang et al., 2008b,Weichenthal et al., 2007]. De plus, dans notre étude sur la filagrine, nous nous sommes intéressés à la globalité du gène en tenant compte de la structure d'au moins 20kb en amont et en aval du gène. Il existe 10 variants codants et validés dans la population caucasienne. Quatre de ces dix SNPs ont été testés dans cette étude et les 6 autres sont en fort déséquilibre de liaison avec les 4 analysés. En raison de l'absence d'association avec les SNPs codants connus pouvant intervenir dans la conformation de la protéine et l'association d'un marqueur en amont du gène avec le psoriasis, la région devra être approfondie pour élucider la nature exacte du variant causal. Ceci est d'autant plus intéressant qu'un des variants codants (P478S) est associé au psoriasis dans la population chinoise (P=0.007) [Chang et al., 2008b]. Il est également possible que ce soit un SNP inconnu dans les bases de données en déséquilibre de liaison avec ceux associés, codants ou non. Par exemple, les trois SNPs de la filagrine associés aux maladies de peau, R501X, 2282del4 et3720delG n'étaient pas mentionnés dans la base de donnée NCBI. On peut aussi supposer que le variant associé est en déséquilibre de liaison avec un autre provenant d'un gène proche. Ceci serait intéressant dans le cas de la filagrine car il existe, en effet, un autre gène de la même famille, très proche du gène FLG nommée FLG2, et le marqueur associé se situe entre les deux gènes. Cependant, d'après la structure en blocs DL avec les données HapMap (non montrées), les
deux gènes ne paraissent pas en fort déséquilibre de liaison.
Les gènes TGM1, TGM3, TGM5 et TGM6
Comme discuté précédemment, la fonction de barrière de l'épiderme est assurée en surface par une structure produite par les cornéocytes appelée la couche cornée. Cette couche cornée est composée de nombreuses protéines (comme la filagrine), réticulées par une famille d'enzymes, les transglutaminases. Ces dernières catalysent des réactions de pontage protéiques, formant ainsi un complexe protéique macromoléculaire particulièrement stable et insoluble. Ces enzymes ont donc un rôle important dans la différenciation terminale de l'épiderme.
Des mutations de type "perte de fonction" dans deux gènes codant pour les transglutaminases 1 et 5 (TGM1 et TGM5) ont été identifiées comme étant la cause de trois érythrodermies ichtyosiformes congénitales rares récessives autosomales de la peau, l'ichtyose lamellaire, l'ichtyose non bulleuse et la forme acral du syndrome de desquamation continue [Russell et al., 1995,Cassidy et al., 2005]. Ce sont des désordres de cornification, caractérisés par une sécheresse cutanée prononcée au niveau du tronc, des régions proximales des membres supérieurs, du cuir chevelu et du cou et un épaississement majeur de l'épiderme. Le syndrome de desquamation continue acral ou 'peeling skin syndrome' est caractérisé par une desquamation continue de la couche cornée prédominante au niveau du dos des mains et des pieds.
Trois gènes codants pour les transglutaminases 1, 3 et 6 (TGM1, TGM3 et TGM6) sont situés sur les chromosomes 14q et 20p, deux des loci de prédisposition dans nos 45 familles étudiées. Nous nous sommes donc intéressés à ces 4 gènes pouvant, de par leur fonction ou leur position sur le génome, jouer un rôle dans une érythrodermie érythémato-squameuse telle que le psoriasis. L'étude du déséquilibre de liaison dans les 4 gènes a permis de sélectionner 5 TagSNPs pour TGM1, 9 pour TGM3, 7 pour TGM5 et 11 pour TGM6 (Figures 3.15Structure DL du gène TGM3,3.16Structure DL du gène TGM5 et 3.17Structure DL du gène TGM6). La structure DL du gène TGM1 n'est pas présentée car il n'existait à l'époque dans la base HapMap qu'un seul SNP de fréquence supérieure à 5%. L'ensemble des informations sur les marqueurs choisis est exposé dans le tableau 3.47Identification et analyse d'association des TagSNPs de TGM1, TGM3, TGM5 et TGM6 sur le Lot I par FBAT. L'analyse des TagSNPs par FBAT dans les 45 grandes familles ne montre aucun résultat significatif. Cependant, lors de l'analyse des haplotypes pour chaque gène, une association faible entre le psoriasis et un haplotype rare de 6.5% de TGM5 (ACCATGG) est observée avec une valeur de P de 0.04 (basée sur 1000000 permutations) (Tableau 3.48Analyse d'association des haplotypes de TGM1, TGM3, TGM5 et TGM6 sur le Lot I par FBAT). Après la stratification des familles selon l'haplotype à risque de PSORS1, l'analyse des TagSNPs révèle des associations entre trois variants introniques (rs2241516, rs11070398 et rs542036) et la maladie (P=0.001, P=0.002, P=0.02 respectivement) (Tableau 3.49Analyse d'association des TagSNPs de TGM1, TGM3, TGM5 et TGM6 dans les sous groupes porteurs ou non de l'allèle à risque HLA-Cw6 dans le Lot I). L'association avec ces SNPs
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Lot I | ||||
MAF | ||||
H1 | TGCCA | 60 | 0.83 | |
H2 | TGCAA | 12.6 | ||
H3 | CCTCA | 10 | ||
H4 | TGCAC | 8.6 | ||
H5 | TGCCC | 6.3 | ||
H1 | TGAACA | 50.3 | 0.78 | |
H2 | TGAACC | 10.9 | ||
H3 | TGAATA | 7.2 | ||
H4 | CGGGCA | 6.7 | ||
H5 | CGGGTA | 5 | ||
H1 | TGAACTAG | 41.3 | 0.32 | |
H2 | TGAACTGA | 11.6 | ||
H3 | TGAACCGA | 10.9 | ||
B.Association
Lot I | |||||||
MAF | Z | P | |||||
H1 | CGTGTTG | 54.9 | -0.054 | 0.96 | 0.98 | 4(0.77) | |
H2 | AGTACGG | 14.4 | -0.332 | 0.74 | 0.74 | ||
H3 | CGTGTGG | 7.5 | -0.774 | 0.44 | 0.40 | ||
H4 | ACCATGG | 6.5 | 2.121 | 0.03 | 0.04 |
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